Sherlock Holmes et le « secret du Noël tragique de Pouzauges »

Connaissez-vous cet épisode aussi dramatique que méconnu et qui eut lieu en toute fin d'année 1793 en Vendée... à Pouzauges ! Cette découverte surprenante, digne de Sherlock Holmes, est signé par le docteur Jean-Maurice Clercq. Voici le résumé des faits qui rappelle la découverte du « Massacre des Lucs-sur-Boulogne » par le curé Jean Bart en 1867.


Au hasard d'une lettre...

« Il ne faut pas que je vous laisse ignorer non plus, que la veille de la Noël, instruit par un espion qu’ils [les brigands] s’étoient retiré à Pousoges, au nombre de 400, pour y assister la Messe de Minuit, nous nous y sommes rendu sur le champ, avec cents cavaliers de la Région du Nord, et 6 husards du 8 régiments »
Nous sommes le 24 Décembre 1793, à Pouzauges, en plein bocage vendéen. Il est minuit. Environ quatre-cents personnes sont rassemblées dans l'église du village pour assister à la messe de Noël. Soudain, une colonne de soldats républicains fait violemment irruption dans l'église et massacre la totalité des fidèles. Pas un seul survivant. La nuit de Noël bascule dans le sang et la tragédie.

Cet événement, enseveli peu à peu dans l'oubli, a complètement disparu des mémoires locales avec le temps. Il est néanmoins parvenu jusqu'à nous, évoqué en quelques lignes, grâce à la lettre retrouvée d'un officier bleu du nom de Baptiste Nogaret qui, écrivant à son père afin de lui donner quelques nouvelles, profite pour lui expliquer brièvement le déroulement des opérations.
Les faits rapportés sont abjectes. Les mots font frémir. Le courrier, écrit de Saint-Maixent, porte la date du 8 Nivose an II (29/12/1793).

Mon très cher père…

Fac-similé de la première page L'orthographe ainsi que les tournures de phrases ont été conservés par souci d'authenticité. Le militaire commence sa lettre ainsi : « Mon très cher père, le premier moment où je me trouve libre est enploijé a vous donner de mes nouvelles. »
« Mon très cher père, le premier moment où je me trouve libre est enploijé a vous donner de mes nouvelles. »

Après avoir informé des récents mouvements effectués par sa colonne lors des dernières semaines, l'officier continue, plein de ferveur et avec un enthousiasme débordant :

« Il ne faut pas que je vous laisse ignorer non plus, que la veille de la Noël, instruit par un espion qu’ils [les brigands] s’étoient retiré à Pousoges, au nombre de 400, pour y assister la Messe de Minuit, nous nous y sommes rendu sur le champ, avec cents cavaliers de la Région du Nord, et 6 husards du 8 régiments »

Avant de poursuivre :

« Nous les avons trouvé dans l’église. Ne connaissant pourtant pas bien leurs nombres, nous n’avons consulté dans ce moment la que nottre courage et le Bien de nottre patrie. Nous y sommes entré à cheval, laissant néamoins des gardes à la porte. Nous nous sommes servi au comencement de nos pistolets. Mais Ennuijé de tirer, nous avons comencé de les sabrer, dans L’instant : L’église a été couverte de leur morts, pas un n’est échapé a nottre juste vengence ; on n'a jamais vu boucherie pareille. »
« Nous les avons trouvé dans l’église. Ne connaissant pourtant pas bien leurs nombres, nous n’avons consulté dans ce moment la que nottre courage et le Bien de nottre patrie.
Nous y sommes entré à cheval, laissant néamoins des gardes à la porte. Nous nous sommes servi au comencement de nos pistolets. Mais Ennuijé de tirer, nous avons comencé de les sabrer, dans L’instant : L’église a été couverte de leur morts, pas un n’est échapé a nottre juste vengence ; on n'a jamais vu boucherie pareille. »

Et pour couronner le tout, le militaire commente : « Nos chevaux avoient du sang jusque au jaret ». Macabre précision, mais qui traduit toute l'horreur de l'acte en question.

La lettre se termine de la façon suivante : « Je suis mon très cher père, vottre afectionné fils. Signé Nogaret, Btse. »

Conclusion

« dans L’instant : L’église a été couverte de leur morts, pas un n’est échapé a nottre juste vengence ; on n'a jamais vu boucherie pareille. »
Par-delà la cruauté des faits rapportés ici, il faut voir dans cet événement de Pouzauges l'extrême banalisation des crimes et des atrocités commises à grande échelle durant la guerre de Vendée, à une époque (fin Décembre 1793) où les répressions n'étaient ni ordonnées, ni planifiées, ni industrialisées, comme allaient l'être quelques semaines plus tard les tristement célèbres « Colonnes Infernales » du Général Turreau.
Exhumé de l'oubli grâce au brillants travaux de recherche du Dr Jean-Maurice Clercq, cet événement peut-être compris et reconstitué grâce aux données patiemment collectées par ce chercheur passionné. L'intégralité de son analyse sur ce sujet est d'ailleurs disponible sur Internet.


Il revient au Dr Clercq le mérite d'avoir fouillé profondément les différentes sources disponibles pour explorer des pistes diverses : généalogiques, démographiques..., qui mettent en lumière l'authenticité de cet épisode dont l' évocation n'est pas sans rappeler les paroles de Jules Renard : « La vérité vaut bien qu'on passe quelques années sans la trouver ».
Car c'est en effet un travail de longue haleine auquel s'est livré le Dr Clerq, avec un méthode de travail on ne peut plus rigoureuse : en effet, pour s'approcher au plus près de la vérité historique, il lui a fallu effectuer toutes sortes de recoupements à partir des seules sources existantes qui se trouvaient à sa disposition, et notamment les registres paroissiaux des différentes années. Mais il lui a également fallu retracer l'appartenance religieuse et politique par catégories de populations vivant alors dans la localité. Un travail de fourmi donc, étayé et matérialisé par l'élaboration de graphiques présentant les différents secteurs de population (catholiques, protestants et révolutionnaires) qui se trouvaient alors dans « les deux Pouzauges », (Pouzauges-le-Vieux et Pouzauges-la-Ville). D'autres parts, il convient de saluer le sérieux avec lequel il a effectué ce travail, jusqu'à rechercher et enquêter sur l'endroit précis où les cadavres de ces personnes massacrées ont bien pû être enterrés...
Enfin, en guise de conclusion, il me semble opportun de citer le Dr Clercq qui, à la fin de l'étude, témoigne :


« Si j’ai pu mener à terme cette recherche, c’est parce que j’avais, en effet, conscience que ce travail ne m’appartenait pas, car ces 400 victimes avaient péri en martyrs.
Et c’est en tant que fils de l’Église que j’avais accepté de procéder à ces longues recherches, dans le souci d’exhumer de l’oubli cette page sanglante qui lui appartient désormais ainsi qu’à l’histoire de la Vendée, dans un désir que justice soit rendue à ces humbles personnes, journaliers, artisans ou paysans, massacrés dans l’anonymat le plus complet par fidélité à leur foi, à leur pratique religieuse et au catholicisme romain, et ce, d’autant plus, que parmi ces dizaines de milliers de catholiques de Vendée qui ont
sacrifié leur vie pour la défense de leur liberté religieuse, il n’ en est pas encore un seul reconnu martyr par l’Église ».


Sources de l'étude :

CEP 55

CEP 56



En savoir plus avec l'histoire des Lucs-sur-Boulogne

Mardi 21 Janvier 2014
Amaury Guitard
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